Danielle Mitterrand, présidente de France-Libertés, a fait parvenir un message lu lors de la conférence du 21 septembre organisée à Genève au siège européen des Nations-Unies sur le thème des obligations de l’ONU vis-à-vis d’Achraf. Nous en publions ici de larges extraits.
« Pendant l’occupation nazie en France, nous étions des milliers de jeunes opprimés séquestrés et silencieux qui rêvions notre avenir dans une Europe sans frontières où chacun se reconnaitrait selon sa culture et sa langue, en attachement et fidélité au territoire qui l’a vu naître. Certes, nous n’étions pas enfermés dans un camp, mais nous devions comme nos frères et sœurs d’Achraf vivre au jour le jour avec la peur que chaque jour soit le dernier. Nous étions alors des terroristes.
C’est à cette période que j’ai compris que les murs les plus contraignants et les plus violents ne sont pas les murs de béton, de pierre ou de fer des prisons, mais ceux qu’une dictature vous force à porter en vous-même, ces murs d’humiliation, de renoncement et d’épuisement ; ces murs qui vous ôtent jusqu’à votre identité.
On a inventé pour Achraf toutes sortes de nouveaux murs immatériels. Tout d’abord le mur de l’oubli, puis celui du mensonge, puis celui du silence, puis celui du blocus alimentaire et sanitaire. Enfin, le mur de décibels et puis le mur de l’écoute et du brouillage électronique. Le progrès technique a toujours enflammé l’imagination des bourreaux. De l’autre côté de ces murs invisibles, la mort rôde en permanence autour du camp et parfois elle y pénètre avec une violence incroyable. Celle d’une chasse à l’homme où tous les coups sont permis ; tuer et laisser mourir ; abandonner des blessés et prélever des otages innocents et impuissants. Quand le calme revient, il ne reste plus aux survivants qu’à pleurer leurs morts et les mettre en terre.
C’est ainsi que l’on croit venir à bout de la résistance d’un peuple. Mais à Achraf, l’espoir revient vite car malgré les murs, chacun sait que cet espoir est partagé par des milliers de frères et de sœurs réfugiés à travers le monde
Préparer l’avenir, chers et tendres amis d’Achraf, c’est le prix de votre sacrifice, mais ce n’est pas le seul : il faut compter aussi avec l’exemple que vous donnez à tous les opprimés et le message d’espoir écrit avec votre sang que vous adressez à toute l’humanité. »