La Résistance iranienne a reçu un renfort de poids en la personne de Maître Juan Garcés, avocat et juriste espagnol. Expert en droit international dont il sait exploiter toutes les ressources, cet homme subtil et pondéré met sa parfaite connaissance des lois au service des causes qui lui tiennent à cœur.
L’expérience chilienne
Né en 1944 à Lliria, en Espagne, Juan Garcés obtint son diplôme d’avocat en 1967 à l’Université Complutense de Madrid et un doctorat en science politique, successivement à Madrid, en 1967 et en Sorbonne, en 1970. Cette année-là, lorsque Salvator Allende accéda à la présidence du Chili, il fit de Juan Garcés son conseiller personnel. Il le resta jusqu’au 11 septembre 1973, jour du putsch dirigé par le général Augusto Pinochet qui fit bombarder le palais présidentiel. Seul survivant parmi les conseillers politiques du président déchu, il fut contraint de quitter le pays et se réfugia en France où il travailla comme chercheur à la Fondation Nationale de Sciences politiques, occupa un poste de conseiller auprès du directeur général de l’UNESCO et publia divers ouvrages sur les années Allende.
Après la mort de Franco, le 21-11-1979, il rentra en Espagne et devint membre, en 1981, de l’Association du barreau de Madrid. L’année suivante, il fonda un cabinet d’avocats.
Le principe de la compétence universelle
En adoptant les Conventions de Genève, tous les Etats signataires ont reconnu que la violation de l’une d’elles n’était pas seulement un problème pour la personne dont les droits ont été méconnus ou pour l’Etat dont les fonctionnaires ne les ont pas respectés mais concernait l’ensemble de la communauté internationale. De ce fait, tous les Etats membres ont le droit et le devoir de poursuivre les auteurs de la violation survenue dans l’un quelconque de ces Etats.
C’est sur la base de ce principe qu’en 1985 une loi espagnole a permis aux victimes de génocide, terrorisme et torture de demander justice devant les tribunaux espagnols, qu’il s’agisse, ou non, de ressortissants espagnols et que les crimes aient été commis, ou pas, en Espagne.
Pinochet rattrapé par la justice
En juillet 1996, après des années consacrées à rassembler des preuves indiscutables des crimes de l’ancien dictateur, Juan Garcés, en collaboration avec l’Union progressiste des procureurs espagnols, a porté plainte contre Pinochet et les autres dirigeants de la junte pour crimes contre l’humanité et intenté une action civile au nom des familles des victimes de la dictature. Un mandat d’arrêt international fut émis par le juge espagnol Baltasar Garzon et le 16 octobre 1996, alors qu’il se rendait à Londres pour des examens médicaux, Pinochet fut mis en état d’arrestation. La demande d’extradition vers l’Espagne, formulée par Juan Garcés fit l’objet de longs débats contradictoires en Grande Bretagne. L’état de santé du vieux dictateur se dégrada. Victime d’un troisième accident vasculaire cérébral, il fut jugé inapte à assister à son procès et, le 2 mars 2000, après 503 jours de détention un avion décolla de Waddington pour le ramener au Chili.
S’il ne fut pas jugé et échappa à une condamnation, Pinochet apprit à ses dépens que le temps de l’irresponsabilité et de l’impunité dans les crimes contre l’humanité était désormais révolu. Sa mésaventure constitue un précédent qui peut dissuader d’autres auteurs potentiels de violations flagrantes des droits de l’Homme.
Le cas d’Achraf
Très impliqué dans son pays pour obtenir des tribunaux espagnols qu’ils enquêtent sur les crimes commis entre Juillet 1936 et Novembre 1975 sous la dictature de Franco, Juan Garcés s’intéresse depuis quelques mois à la situation des résidents du camp d’Achraf dont les droits ne sont pas respectés par le gouvernement irakien, signataire de la quatrième Convention de Genève, qu’il viole impunément depuis plus de deux ans.
La justice espagnole a reçu une plainte de parents des résidents d’Achraf à la suite de l’agression meurtrière des 28 et 29 juillet 2009. La trouvant sérieuse et solide, elle l’a transmise aux autorités irakiennes en leur demandant si elles avaient ouvert une enquête à ce sujet et quels en étaient éventuellement les résultats. Cette démarche a été faite dans le total respect de la souveraineté et de l’indépendance de l’Irak. Après un an d’attente, jugeant la réponse nettement insuffisante, et apprenant par diverses voies qu’aucune enquête sérieuse n’avait été faite, la cour espagnole, avec l’accord du parquet, a décidé de mener l’enquête elle-même. La première mesure fut de convoquer l’auteur présumé de la direction de l’attaque qui devra venir s’expliquer le 8 mars prochain, accompagné d’un avocat, de sorte que toutes les garanties légales soient respectées.
Cette mesure montre aux résidents qu’ils ne sont pas oubliés et que si les cours de justice en Irak n’appliquent pas la loi de manière effective, les lois internationales ont prévu cette situation et leur accordent la protection de la loi d’un autre Etat.
En 2000, Juan Garcés a été fait chevalier de l’Ordre National de Mérite