Des origines méconnues
Les matières premières entrant dans la composition des tapis : laine, soie, coton, ne résistent pas à l’épreuve du temps, c’est pourquoi des fragments de tapis n’apparaissent qu’exceptionnellement sous la truelle des archéologues. Il a fallu des conditions exceptionnelles de conservation pour qu’une fouille menée en 1949 mette au jour au milieu des glaces de la vallée Pazyryk, dans les monts Altaï, en Sibérie, un tapis de 1,83 m de large sur 2 m de long comptant 3600 nœuds symétriques par cm2. Sa datation au carbone 14 le fait remonter au Vème siècle avant notre ère. Selon les experts, ce tapis serait l’aboutissement d’une longue évolution de la technique de fabrication durant au moins un millénaire.
De rares documents mentionnent la présence de tapis en Asie occidentale, à la période préislamique et quelques fragments nous sont parvenus de l’époque sassanide. Les plus vieilles pièces sont conservées au Musée des arts turcs et islamiques à Istanbul et au Musée Molana de Konya.
Naissance d’une industrie
Jusqu’à l’époque safavide, les tapis persans étaient produits exclusivement de façon artisanale par les tribus nomades. Ce sont les Safavides qui ont lancé une production industrielle dans les ateliers royaux d’Ispahan de Kashan et de Kerman. Ces ateliers fournissaient des tapis pour les mosquées et les palais du Shah, lequel en offrait aux monarques voisins et aux dignitaires étrangers. Ils produisaient aussi des pièces sur commande de la noblesse ou d’autres citoyens. Le commanditaire fournissait la matière première et versait un salaire aux artisans pendant la durée du nouage.
Une large part de la production était destinée à l’exportation vers l’Inde, l’Empire ottoman et l’Europe.
Le témoignage des peintres du Moyen-âge et de la Renaissance
Il semblerait que les tapis d’Orient n’aient pas été importés en Europe avant le XIIIème siècle. Giotto (1266-1337) est le premier à faire figurer dans ses tableaux des tapis présumés d’origine persane. Il est suivi par Van Eyck (1390-1441), Mantegna (1435-1506), VanDyck (1599-1641) et Rubens (1577-1640). Il s’agissait de tapis de trop grande valeur pour être posés sur le sol. Ils étaient placés sur des tables ou des coffres servant de siège.
Prospérité, déclin, renouveau
Ismaïl Ier puis Shah Tahmasp et Shah Abbas le Grand étaient personnellement intéressés par la production de tapis, les deux derniers cités s’impliquant même dans la conception des motifs. Sous leur règne, la production de tapis persans fut la plus importante de toute l’époque safavide. Elle fut considérablement ralentie a partir de 1722 quand l’invasion afghane mit fin au règne de la dynastie et au mécénat des monarques. Il fallut attendre l’avènement de la dynastie Qajar, en 1797, pour qu’elle reparte, encouragée surtout par la demande locale. Les exportations stagnèrent jusqu’au début de la deuxième moitié du XIXème siècle quand la pébrine (maladie du vers à soie) gagna la Perse et fit chuter considérablement la production de soie, privant le pays de sa principale ressource exportable. Par chance, une forte demande européenne de tapis d’Orient et l’émergence d’une classe moyenne importante en Grande-Bretagne ouvrit un vaste marché à la Perse qui, à la fin des années 1870 commença à exporter massivement ses tapis. Deux compagnies anglaises fondèrent des manufactures en Iran tandis qu’en France les Grands Magasins du Louvre mirent les tapis persans à leur catalogue. A côté de cette production nationale, les tribus nomades et les petits ateliers urbains continuèrent à produire des tapis de qualité.
A la fin de la période Qajar, des tapis de soie somptueux égalant ceux du XVIIème siècle côtoient des tapis de moindre qualité en raison de l’utilisation de colorants de synthèse pourtant interdits par le gouvernement en 1877.
La production contemporaine
Les deux guerres mondiales présentent une période de déclin pour le tapis persan. En 1949, une conférence organisée à Téhéran par le gouvernement pour remédier à la baisse de qualité constatée depuis soixante ans débouche sur une série de mesures qui relancent une production de qualité.
Après la révolution islamique et jusqu’en 1984, le nouveau régime considère les tapis comme un trésor national et refuse de les exporter en Occident. Il change alors d’avis étant donnée l’importance des tapis comme source de revenus et les exportations connaissent un nouvel essor à la fin des années 1980 et de la guerre Iran-Irak. Entre mars et août 1989, elles font plus que tripler en valeur (de 35 à 110 millions de dollars US) et doubler en poids ( de 1154 à 2845 tonnes) ce qui contribue à une baisse mondiale du prix des tapis
A suivre
Nous traiterons dans un prochain numéro les techniques de fabrication.