Condamné en 1994 à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sureté de 18 ans, l’Iranien Ali Vakili-Rad, l’un des assassins de Shapour Bakhtiar, le dernier premier ministre du Shah a regagné triomphalement Téhéran le 18 mai 2010, deux jours après le retour en France de la jeune chercheuse Clotilde Reiss. Les autorités françaises ont démenti tout marchandage à ce sujet. L’Iranien était en droit de demander sa libération conditionnelle depuis le 2 juillet 2009, mais le tribunal d’application des peines ne pouvait pas le relâcher sans un arrêté d’expulsion émanant du ministre de l’intérieur qui, probablement saisit cette opportunité de forcer la main de ses interlocuteurs en différant la signature jusqu’au retour de la Française.
C’est le 7 août 1991, à Suresnes, qu’un trio de tueurs envoyés par Téhéran égorgea Shapour Bakhtiar et entreprit de regagner l’Iran. Comme l’explique Jean-Noël Cuénod, correspondant permanent à Paris de la Tribune de Genève dans un article du 18 mai 2010, le récit de cette cavale s’apparente plus aux mésaventures de Mister Bean qu’aux exploits de James Bond. Cherchant à gagner Genève, Ali Vakili-Rad et Mohamad Azadi se trompent de TGV et descendent à Lyon où ils prennent un taxi pour rejoindre la Suisse. A la douane de Thönex-Vallard, un garde-frontière suisse auquel ils présentent des passeports turcs, leur refuse l’accès de son territoire et alerte ses collègues français. Mais ceux-ci, peu enclins à faire du zèle les relâchent dans la nature où, ignorant la langue et la géographie, ils errent pendant quatre jours entre Annecy, Sallanches, Bellegarde, Valence, Privas, Gap.
Ali Vakili-Rad revient à Annecy, reprend un taxi et finit par rejoindre l’hôtel Windsor, à Genève. Il y est repéré, mais à cause d’une panne d’ordinateur, les policiers genevois le ratent ! La souricière qu’ils tendent à l’hôtel de l’Etoile pour coincer son complice échoue également et Mohamad Azadi réussit à s’enfuir définitivement. Vakili-Rad ne parvient pas à joindre son contact à Genève et se fait arrêter le 21 août 1991, alors qu’il dort au fond d’une barque amarrée au Port-Noir, puis extrader vers la France.
L’image de ce boucher reçu avec les honneurs dans la capitale iranienne, avec une couronne de fleurs autour du cou provoque l’écœurement. Comment ne pas penser, pendant qu’il pavoise devant les caméras et ose se plaindre du traitement subi en prison, à un collier d’un tout autre genre : le nœud coulant au bout d’une corde de chanvre encerclant le cou d’une jeune femme Shirine Alam-Houli, le matin du 9 mai et sa lente agonie pendant qu’elle tourbillonne au bout de cette corde. D’un côté un vulgaire assassin auquel on rend hommage, de l’autre une prisonnière politique qu’on tue, pour l’exemple, à petits feux. Où est la justice ?