« Le Guide suprême est au dessus des lois ». Cette phrase, inscrite dans la Constitution iranienne, résume bien la nature du régime instauré par l’ayatollah Khomeiny après la révolution antimonarchique de 1979 : une dictature religieuse absolue et verrouillée qui donne tous les pouvoirs à un dignitaire du clergé chiite, au nom du principe de la suprématie absolue du religieux.
Onze ans avant son arrivée au pouvoir, Khomeiny avait décrit les grandes lignes de ses fantasmes dans un livre intitulé : Le gouvernement islamique. Affirmant que : « les commandements de l’Islam ne sont point limités dans le temps et l’espace, mais sont éternels et doivent être appliqués », il préconisait la création d’un gouvernement tout entier consacré à l’application des commandements divins et des lois de la Charia ; un gouvernement incarné par un seul homme, le Guide suprême, exerçant un droit de tutelle sur toutes les affaires publiques et les besoins sociaux du peuple.
Pour arriver à ses fins, quand il eut débarqué de Neauphle-le-Château, Khomeiny s’employa à bâtir, pierre à pierre, la forteresse constitutionnelle qui allait lui donner le pouvoir absolu. Son premier soin fut de créer, parallèlement à l’armée régulière, une force armée entièrement à sa dévotion : le corps des gardiens de la révolution chargé d’en sauvegarder les acquis, autrement dit le pouvoir religieux qui en émane. Il lui donna pour consigne de privilégier les intérêts du régime et de réprimer de manière impitoyable et en écartant tout sentiment tout ce qui pourrait nuire à ses intérêts. Aujourd’hui, le corps des pasdarans comporte quelques centaines de milliers de membres. Ses chefs exercent une mainmise sur toutes les structures de l’Etat, sur le parlement, le gouvernement et sur les grandes entreprises dans le domaine du pétrole et du commerce.
En octobre 1979, Khomeiny se trouva dans une situation délicate. Son assemblée des experts avait concocté une Constitution pour légitimer la dictature religieuse qui se cache derrière le trompe-l’œil de la République islamique : deux termes d’ailleurs tout-à fait incompatibles.
Il ne lui restait plus qu’à la faire plébisciter par référendum et la partie serait gagnée. Redoutant un échec qui mettrait fin à ses espoirs, il décida pour, donner le change, de prendre d’assaut l’ambassade américaine et de garder son personnel en otage. En s’en prenant ouvertement aux U.S.A, qualifiés par lui de « Grand Satan », le vieillard rusé put alors affirmer que la démocratie n’était pas une nécessité immédiate, mais que la menace venait de l’impérialisme américain. Il détournait ainsi l’attention du peuple et pouvait accuser ceux qui, comme les Moudjahidine, considéraient que la menace réelle venait du pouvoir religieux fasciste, d’être des mercenaires à la solde des Américains, ce qui justifierait leur élimination.
Khomeiny profita de la situation pour créer le Bassidj, avec l’ambition déclarée d’en faire une armée de vingt millions d’hommes pour faire face aux Etats-Unis. Cet objectif irréaliste sera loin d’être atteint, mais le Bassidj, intégré le 5 août 1980 au corps des pasdarans deviendra une force de répression comparable aux S.A, les troupes d’assaut d’Hitler.
En 1981, les démocrates iraniens qui s’opposent à la confiscation du pouvoir par Khomeiny sont maintenant rassemblés et organisés. Beaucoup se retrouveront au sein du Conseil national de la Résistance iranienne. Jusque là, le pouvoir les a combattus de manière relativement discrète en faisant attaquer leurs meetings par ses milices mais sans s’engager ouvertement dans la répression. Au mois de juin 1981, les derniers espaces de liberté se sont refermés et la population étouffe. Les Moudjahidine qui, jusque là avaient toujours évité l’épreuve de force pour ne pas donner au régime l’occasion de les massacrer, décident alors d’organiser une grande manifestation à Téhéran pour protester solennellement contre les atteintes aux libertés. Annoncée clandestinement par les réseaux de sympathisants et par le bouche-à-oreilles, elle déclenche une vague humaine impressionnante qui scande des slogans réclamant les libertés fondamentales que la révolution antimonarchique était sensée lui apporter. Le 20 juin à 16 h, la foule qui se dirige vers le parlement atteint 500.000 personnes. Devant cette volonté fantastique, Khomeiny est contraint de quitter sa position démagogique de défenseur du peuple, qui laissait la horde des hesbollahis, ces pasdarans sans uniforme, réprimer les opposants dans les villes, mais ne s’impliquait pas directement. Mais, face à cette marée humaine, ils ne font pas le poids et Khomeiny ordonne alors aux pasdarans de tirer sur la foule. Le masque est tombé, dévoilant le véritable visage du vénérable vieillard : celui d’un despote fanatique, d’un anachronique fou de Dieu.
L’esprit de la Constitution iranienne
Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du Guide suprême qui doit forcément appartenir au clergé chiite. Il est au dessus des lois et tous les responsables sont nommés par lui ou par les autorités qu’il a lui-même mises en place. Il est désigné à vie et n’est responsable devant aucune autorité. Cette désignation est faite par l’Assemblée des experts, dont les candidats, obligatoirement des mollahs, doivent passer par le crible des membres du Conseil de surveillance, eux même désignés par le Guide suprême qui est donc, en fait, le seul habilité à choisir son successeur.
Le « véto étatique » permet au Guide d’opposer son véto à toute décision ou projet qu’il considère comme contraire à ses intérêts et que les organismes officiels de contrôle ont pu laisser passer.
Enfin, pour empêcher toute tentative de réforme, l’article 177 de la Constitution stipule : « Le contenu des articles portant sur le caractère islamique du système et la conformité de toutes les lois et règlements aux préceptes islamiques ainsi que les fondements et les objectifs de la République islamique d’Iran et les principes de la tutelle et de la gouvernance de l’Imam sont inaltérables ».