Les signes précurseurs de la révolution
Revenu au pouvoir en 1953 à la suite du renversement du gouvernement de Mohammad Mossadegh, avec l’aide d’une opération clandestine menée par la CIA, Pahlavi maintient de bonnes relations avec les Etats-Unis mais son gouvernement est critiqué pour sa corruption et les pratiques violentes de la police secrète la SAVAK. Une forte opposition politique se forme dans de nombreuses franges de la société. Le Shah essaie de minimiser le rôle de l’islam dans la vie de l’empire en louant les réalisations de la civilisation Perse préislamique. Son programme de réformes qui abolit le système agraire inégalitaire existant jusque là déplait fortement au clergé qui voit diminuer la taille de ses propriétés et donc de ses revenus. Sous la pression des Etats-Unis, il doit se résoudre, en 1977, à libérer 300 prisonniers politiques ; La censure se relâche et le système de justice est réformé.
Jusqu’en 1978, l’opposition au Shah vient principalement de la classe moyenne urbaine dont une partie, plutôt laïque, soutiendrait une monarchie constitutionnelle ; mais ce sont les groupes islamiques qui réussissent les premiers à rassembler de grandes masses contre le Shah. Des manifestations violemment réprimées se succèdent en 1978 : le 9 janvier à Qom, le 19 février à Tabriz, le 11 mai au centre de Téhéran qui conduit l’armée à occuper le bazar. Dans les semaines suivantes, des hôtels de luxe et d’autres symboles du régime sont détruits. Les dommages dus aux manifestations, en plus de l’inflation rampante frappent de plein fouet l’économie iranienne. Des mesures d’austérité prises durant l’été 1978 provoquent l’annulation de nombreux projets publics, le gel des salaires et la hausse du chômage.
La chute du Shah
En septembre, la situation s’aggrave rapidement. Le Shah décrète la loi martiale et interdit toute manifestation. Une manifestation massive a pourtant lieu le 8 septembre à Téhéran. Le Shah, dans une position délicate, accepte finalement que l’armée se déploie avec des tanks, des hélicoptères et des armes automatiques. Des centaines de manifestants sont tués par certains activistes, crimes attribués ensuite à la seule armée impériale. Ce « vendredi noir » contribue à ébranler encore plus le trône du Shah. En octobre, une grève générale paralyse l’économie. La plupart des usines sont fermées et les pétroliers restent bloqués dans le port d’Abadan. La protestation atteint son paroxysme en décembre pendant le mois saint de Muharram. Le 12, plus de deux millions de personnes défilent dans les rues de Téhéran. Le Shah, affaibli par la maladie et abandonné par les grandes puissances étrangères, ordonne que l’armée cesse de tirer sur la foule et nomme Shapour Bakhtiar au poste de premier ministre. Celui-ci lui demande de quitter l’Iran pour une durée indéterminée. L’avion présidentiel se pose au Caire où le président Sadate accueille les souverains déchus qui gagneront tour à tour le Maroc, les Bahamas, Panama, le Mexique puis un hôpital new-yorkais et une base militaire du Texas. La présence du Shah aux USA sert de prétexte à la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran. Le Shah subit une dernière opération chirurgicale en Egypte et meurt peu après.
La prise de pouvoir de Khomeiny
Après avoir ordonné la dissolution de la SAVAK et la libération des prisonniers politiques, Shapour Bakhtiar tente de se rapprocher de Khomeiny, mais les discussions échouent. Les partisans de l’ayatollah se mobilisent pour organiser sa venue. Il quitte Neauphle-le-Château et atterrit à Téhéran le 1er février 1979. Installé à l’école Alavi, devenue le quartier général des révolutionnaires, il nomme Mehdi Bazargan premier ministre et lui demande de former un gouvernement estimant que celui de Bakhtiar n’est pas légitime. Les partisans des deux clans manifestent et un conflit armé est évité de justesse, sauf à la garnison Doshan Tappéh entre la garde impériale et les Cadets de l’armée de l’Air ralliés à la révolution. Les nouvelles du combat au sein de l’armée ramènent les gens dans la rue et le couvre-feu n’est plus respecté par la population qui continue à manifester dans la nuit. Au matin, après de nouveaux combats dans le courant de la nuit, l’armée décide de rester neutre dans le conflit. Le soir du 11 février 1979, l’ayatollah Khomeiny est au pouvoir et Shapour Bakhtiar contraint à la fuite
L’OMPI entre en scène
Fondée en 1965 par Mohammad Hanifnejad et deux jeunes autres intellectuels Saïd Mohsen et Ali-Asghar Badizadegan, l’OMPI se veut une organisation musulmane, progressiste, nationale et démocratique destinée à préparer le terrain à un gouvernement démocratique qui remplacera la monarchie. Arrêtés par la SAVAK en 1971, les trois fondateurs de l’organisation et deux membres du comité central seront exécutés en mai 1972.
En 1975, un coup d’état interne fomenté par un groupe de marxistes utilisant l’identité des Moudjahidine mais en rejetant tous les principes provoque la dislocation provisoire de l’Organisation. Désorganisée, celle-ci est attaquée sur trois fronts : le régime du Shah qualifie les Moudjahidine de marxistes islamistes ; les mollahs s’insurgent contre une interprétation progressiste de l’islam, prêchant que la leur est la seule possible. Quant aux marxistes du parti Tudeh, ils les considèrent comme «des protagonistes de la petite bourgeoisie dont le temps est révolu ».
De 1975 à 1979, bien qu’incarcéré dans différentes prisons, Massoud Radjavi dirige la Résistance sur les trois fronts. Il souligne le besoin de poursuivre la lutte contre le Shah mais met en garde contre l’émergence d’un despotisme religieux rétrograde symbolisé par Khomeiny. Libéré par le soulèvement populaire le 21 janvier 1979, une semaine après la fuite du monarque et douze jours avant le retour de Khomeiny, Massoud, dans sa première déclaration publique, le 24 janvier, prend ses distances avec celui-ci en insistant sur la sauvegarde des libertés démocratiques comme l’acquis le plus important de la révolution. Il refuse de qualifier celle-ci de révolution islamique et appelle à une révolution démocratique.
Le mouvement devient rapidement la plus grande force politique organisée en Iran. Son journal : Modjahed se vend chaque jour à 500 000 exemplaires. En 1980, candidat à la présidence de la République, Massoud Radjavi reçoit le soutien de tous les groupes politiques de l’opposition et de nombreuses personnalités, dont beaucoup d’intellectuels. Khomeiny prend la menace au sérieux et annule la candidature de Radjavi parce qu’il n’a pas voté en faveur de la Velayat-e-Faghih (pouvoir absolu du religieux) et de la constitution basée sur ce principe. Quelques mois plus tard, des décrets similaires et des fraudes électorales feront qu’aucun candidat de l’OMPI ne sera élu au parlement. Massoud Radjavi, candidat dans la capitale n’en obtiendra pas moins de 530 000voix (25% de l’ensemble des suffrages).
En juin 1981, Khomeiny décide que seule une répression totale pourra endiguer la popularité montante des Moudjahidine. Dans l’après midi du 20 juin, 500 000 manifestants défilent à Téhéran en soutien aux Moudjahidine. Les pasdarans ouvrent le feu sur la manifestation pacifique tuant et blessant des centaines de personnes. Des milliers de manifestants sont arrêtés et des centaines exécutés sommairement dans la nuit.
Cet événement tragique marque le début de la résistance du peuple iranien à l’échelle nationale. En juillet 1981, Massoud Radjavi annonce la création du Conseil National de la Résistance Iranienne et invite toutes les forces démocratiques opposées au despotisme religieux à le rejoindre. Son appel sera largement entendu.
Quelques jours plus tard en compagnie d’Abol Hassan Bani-Sadr, éphémère président de la République, déchu par Khomeiny, Massoud, qui l’a mis à l’abri chez lui dans sa maison de Téhéran, quitte l’Iran pour la France à bord d’un avion de l’armée de l’Air iranienne piloté par le colonel Behzad Moezi, lequel a rejoint l’opposition après la révolution. Massoud est accueilli à Auvers-sur-Oise par son frère Saleh, cardiologue installé là depuis de nombreuses années. C’est ainsi que la ville chère aux impressionnistes est devenue la capitale de la résistance iranienne.