Simin Behbahani, de son vrai nom Siminbar Khalili, naquit à Téhéran le 27 juin 1927 dans une famille d’intellectuels. Son père, Abbas Khalili était journaliste et poète, sa mère, Fakhr Ozma Arghoon, poétesse et enseignante. Simin commença à écrire très jeune et adressa au quotidien No-Bahar, ses premiers poèmes, dont le responsable de la rubrique culturelle eut du mal à croire qu’ils étaient l’œuvre non pas d’un homme âgé mais d’une jeune fille de 14 ans.
Elle fit des études supérieures à l’université de Téhéran d’où elle sortit diplômée en droit.
Une poésie novatrice et engagée.
Simin Behbahani a révolutionné la poésie traditionnelle iranienne tant dans sa forme que dans son contenu, modernisant le ghazal, genre lyrique classique, et abordant une gamme très vaste de sujets, bousculant les tabous d’une société profondément patriarcale. C’est la femme qui, s’adressant à son amant, lui parle de ses désirs, et non l’inverse.
Une femme témoin de son temps
Femme libre, Simin a toujours refusé les dictats du régime, quel qu’il soit. Durant les huit années de la guerre Iran-Irak, elle n’a cessé d’exprimer son dégout de la guerre et de la violence en opposition à la ligne officielle exaltant les combats et appelant à leur poursuite.
Au sein de l’association des écrivains iraniens, elle s’est battue contre la censure, prenant le risque de payer de sa vie son engagement comme ce fut le cas en 1998 du poète Mohammad Mokhtari et de l’écrivain Mohammad-Jafar Pouyandeh, assassinés par des agents du ministère du renseignement.
Elle fut aussi l’une des premières à signer la pétition dite « du million de signatures » réclamant l’abolition de toutes les lois discriminatoires contre les femmes.
L’ennemie déclarée du régime des mollahs
La liberté de ton et les prises de position contestataires de la poétesse lui ont valu de nombreuses brimades de la part des autorités iraniennes. A deux reprises, de 1983 à 1988 puis de 2005 à 2012, ses œuvres ont été interdites de publication. En 2010, son passeport lui a été confisqué alors qu’elle s’apprêtait à se rendre à l’invitation du maire de Paris.. Mais ses vers ont continué à franchir les frontières En 2009, après les manifestations sévèrement réprimées contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, elle a adressé son célèbre poème « Ne détruis pas ma terre » au président contesté « qui ment sans cesse et qui a pris la grosse tête ». Présente lors d’une manifestation de femmes, elle a été frappée par une matraque électrique. C’est alors qu’elle a contacté Marzieh, la diva iranienne pour lui demander d’être la voix des contestataires. Celle-ci a chanté plusieurs de ses poèmes mis en musique par Mohammad Shams, compositeur et chef d’orchestre.
Publications et récompenses
Simin a publié plus d’une douzaine de recueils. En 1999, son recueil A cup of Sin (Une coupe de péchés) a paru aux éditions Syracuse University Press aux Etats-Unis.
Elle a reçu en 1998 le prix Hellman-Hammett d’Human Rights Watch décerné aux écrivains victimes de persécutions politiques. L’année suivante, ce fut la médaille Carl von Ossietzky et, en 2009, le prix Simone de Beauvoir alloué au collectif de femmes iraniennes « Un million de signatures pour la parité hommes femmes. »
Une dernière brimade
Décédée à Téhéran le 19 août 2014 des suites d’une insuffisance cardiaque et pulmonaire, Simin Behbahani avait demandé à être enterrée à Emamzadeh Taher, à 40 km de Téhéran près de son mari et de son petit-fils. Cette dernière volonté lui a été refusée. Elle fut donc enterrée au cimetière de Téhéran, Behesth-é Zahra le 22 août alors que des milliers d’Iraniens récitaient à haute voix ses poèmes.
Un poème de Samin Behbahani
Je te reconstruirai, ma patrie.
Même avec l'argile de ma propre âme.
Je te bâtirai des colonnes.
Même avec mes propres ossements.
Grâce à ta jeune génération, on s'amusera à nouveau.
Nous ne cessons de pleurer, tellement tu nous manques.
Même si je meurs à 100 ans, je resterai debout dans ma tombe.
Afin de faire disparaître le mal avec mon grognement.
Je suis vieille mais je peux rajeunir pour vivre une nouvelle vie aux côtés de mes enfants.