Si l’on définit la poésie comme étant la musique des mots au service des images, on conçoit la difficulté qu’éprouve le poète adepte du vers libre à s’affranchir des formes fixes traditionnelles et à créer sa propre musique sans l’aide de ces outils précieux que sont la rime et la cadence du vers régulier. Ce qui peut sembler une simplification n’est, en fait, qu’une source de difficulté supplémentaire. A l’instar de Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Paul Eluard, le poète iranien Ali Esfandiari (1897-1958), plus connu sous son nom de plume : Nima Yushidj, réussit cette gageure et fut le fondateur de la poésie persane contemporaine.
Il naquit et passa son enfance au Mazandaran, dans le petit village de Yush, entre les travaux des champs et l’école traditionnelle iranienne, puis, à 12 ans, rejoignit l’école Saint-Louis à Téhéran afin d’y finir ses études supérieurs. Guidé par un professeur dans ses premières découvertes poétiques, il composa d’abord des vers en s’inspirant des grands de la poésie classique : Saadi et Hafez notamment, puis commença à suivre son propre chemin, sans précédent dans la poésie persane. Ay Shab (Ô Nuit !) et Afsaneh (« Mythe ») sont des œuvres qui appartiennent à cette période de transition. La presse étant contrôlée par le pouvoir et ses poésies, jugées hors norme, longtemps interdites de publication, elles n’ont pas été lues par le public avant les années 1930. Après la chute de Reza Shah en 1941, Nima devint membre du comité éditorial du magazine Musique qui publia beaucoup de ses poèmes comme devaient le faire plus tard les nombreuses publications gauchistes résultant de la formation du parti Tudeh.
Le 15-12-2006, les éditions Lettres Persanes (rien à voir avec notre revue !) ont publié sous le titre « Une voix dans la nuit », une compilation des œuvres du poète.
Un poème de Nima Yushidj
La nuit, toutes les nuits, le sommeil est brisé
Dans mon œil
Je suis sur le qui-vive de la caravane.
Il y a des sons qui sont à moitié vivants,
J’écoute les bruits, les sons
Qui viennent de loin
Je leur donne des noms
Mais la route est vide de tout monde.
Resté, sous les ruines, sous les ruines,
C’est moi qui reste dans la prison de la nuit obscure
La nuit, toutes les nuits,
Je suis sur le qui-vive de la caravane.