« Aujourd’hui, le poème est l’arme du peuple
Car les poètes sont les branches de la forêt du peuple
Ce ne sont plus les jasmins et les jacinthes du patio de n’importe qui »
C’est en ces termes qu’Ahmad Shamlou, l’un des plus grands poètes iraniens contemporains, expose sa conception de la poésie qui doit, selon lui : « réveiller les consciences plutôt que les assoupir » ; la poésie dont il dit : « ce sont les paroles signifiantes du sang coulé ; c’est cet arbre florissant de consciences humaines qui peut convertir la mélancolie en joyaux de paroles et en faire des fleurs ».
Né à Téhéran le 12 décembre 1925, décédé il y a sept ans le 27 juillet 2000, Ahmad Shamlou, fils d’officier, passa son enfance dans les différentes villes de garnison où son père était affecté. Ses déménagements successifs perturbèrent ses études et l’empêchèrent d’obtenir un diplôme d’enseignement secondaire. En 1943, il se fit journaliste et commença une brillante carrière littéraire qui donna naissance à une œuvre considérable en originalité et en diversité.
En tant que poète, il soutient la comparaison avec les plus grands par la richesse d’images qui contribuent grandement à l’intensité de ses poèmes. On peut le comparer en France à Paul Eluard, l’auteur de « Liberté ». Tous deux s’appliquèrent à faire mieux connaître les œuvres de leurs prédécesseurs : Eluard dans sa « Première anthologie vivante de la poésie du passé », Shamlou en éditant les travaux des plus grands poètes persans, notamment ceux d’Hafez.
Comme Louis Aragon, poète et romancier qui dirigea l’hebdomadaire Les Lettres Françaises, Shamlou fut le rédacteur en chef des plus grands journaux littéraires de son pays et publia de nombreux romans. Si l’on poursuit la comparaison avec les grands poètes français contemporains, il faut noter que Shamlou présente beaucoup de points communs avec Jacques Prévert, le plus populaire d’entre eux, par son activité théâtrale et cinématographique et par ses contes pour enfants, originaux comme « Coq d’or » ou traduits, tel « le Petit Prince » de Saint-Exupéry, qu’il enregistra lui-même pour le Centre d’éducation nationale enfant et adolescent. *
Shamlou a traduit beaucoup d’œuvres étrangères en persan, notamment la pièce « Noces de sang » de l’écrivain espagnol Federico Garcia Lorca.
Son ouvrage majeur « Ketab-e-Koutché » (Le livre de la rue), résultat d’une vingtaine d’années de travail et dont vingt tomes ont été publiés, rassemble des contes et des expressions populaires et constitue une contribution majeure à la compréhension des croyances et de la langue du folklore iranien.
Poète, Ahmad Shamlou fut aussi un rebelle. Ses prises de position et ses vues humanistes lui valurent d’être harcelé et emprisonné tout le long de sa carrière sous les deux dictatures du Chah et des mollahs. Ceux-ci l’ont maintes fois couvert d’injures et ont constamment retardé ou empêché purement et simplement la parution de ses ouvrages. En 1981, il s’est résolument engagé aux cotés de la Résistance iranienne, ce qui lui a probablement coûté le prix Nobel de littérature pour lequel il était pressenti en 1982.
Tout récemment, le 22 juillet, la police a violemment dispersé un groupe de parents et d’amis venus commémorer, sur sa tombe, le septième anniversaire de sa disparition. Sans commentaire !
*Un conte de Shamlou : « Plume d’or » a été publié en version française par les éditions L’Harmattan