Gholam Hossein Saedi, chantre de la vie rustique iranienne.
Il a marqué de son talent la littérature iranienne du vingtième siècle. Gholam Hossein Saedi, né à Tabriz en 1935, fut un homme aux multiples facettes, à la fois médecin, écrivain et opposant résolu aux dictatures du Shah puis de la théocratie qui lui a succédé.
Le médecin des pauvres
Après avoir fréquenté diverses écoles, Saedi obtint son diplôme d’études secondaires en 1954 et entra à l’école de médecine de l’Université de Tabriz. En 1961, il soutint avec succès sa thèse de doctorat portant sur « les causes sociétales de la psychonévrose en Azerbaïdjan ». Il fit ensuite son service militaire comme médecin de la garnison Saltanatabad à Téhéran. En 1962, il retourna à l’université de Téhéran pour se spécialises en psychiatrie. Avec son frère Akbar, il ouvrit une clinique médicale dans les quartiers pauvres du sud de Téhéran.
Le chantre de la ruralité
En 1941, quand l’URSS envahit Tabriz, les parents de Saedi se réfugièrent à la campagne et il fut fasciné par la culture rurale de l’Iran ce qui influença considérablement son œuvre littéraire. Il publia ses premières histoires courtes dans les années 1950. Suivirent vingt-trois pièces de théâtre, un roman, de nombreux recueils de nouvelles, des monographies et des scénarios. Toutes ces œuvres reflètent l’ambiance qui régnait en Iran dans les années 1960-1970. Le talent de l’auteur s’exprime pleinement dans un recueil de huit nouvelles ayant pour titre « Azadaran-é Bayal ». Bayal est un village pauvre et très retiré, noyé dans les superstitions. Saedi dépeint l’existence des habitants obsédés par l’appréhension d’un malheur imminent. Ils parlent de choses simples, de la maladie, de la famine, des vols, de l’agriculture et des amours malheureuses. L’ironie noire et piquante de l’auteur se révèle dans les moments où un événement imprévu perturbe la vie monotone des villageois.
La quatrième nouvelle du recueil est un drame poignant traitant de l’attachement d’un homme, Mashd Hassan, à sa vache qui est son bien le plus précieux. Pour un pauvre paysan, l’achat d’une vache est généralement l’investissement de toute une vie, ce qui explique tous les soins qu’apporte Hassan à la sienne pour la garder en bonne santé et la protéger des pillards. Un jour qu’il s’est absenté, sa vache meurt. Tout le village essaie de lui faire croire qu’elle s’est sauvée. Mais il n’est pas dupe sachant qu’elle n’irait nulle part sans lui. Il sombre alors dans la folie ; il croit être devenu une vache. L’amour qu’il porte à sa vache l’amène à la recréer en lui-même. L’histoire a été portée à l’écran par Dariush Mehrjoui, un grand cinéaste iranien.
L’homme d’action
En 1949, Saedi rejoignit l’Organisation de jeunesse du Parti démocratique d’Azerbaïdjan. En 1953, avec le coup d’état contre Mossadegh, il fut arrêté avec son jeune frère et incarcéré à la prison de Tabriz Shahrbani. En 1966, une décision du ministère de la culture imposa aux éditeurs d’obtenir la permission d’imprimer. En réaction, Saedi et d’autres écrivains créèrent, deux ans plus tard, l’Association des écrivains de l’Iran. Malgré la censure, il continua à publier et se vit confier, en 1973, la rédaction d’Alefba, un magazine trimestriel littéraire qui fut interdit l’année suivante. Arrêté par la SAVAK, la police secrète du Shah, Saedi passa un an à la prison d’Evin d’où il sortit dépressif et suicidaire. En 1977, il participa à l’événement « Dix nuits de poésie » et fut invité à New York où il rencontra Arthur Miller. Après la révolution, il adhéra au Front national démocratique, coalition de gauche opposée à Khomenei. Il collabora régulièrement, à partir de novembre 1984, à « Chora », la revue trimestrielle du CNRI. Dans son dernier article intitulé « Qui est un réfugié politique ? » Saedi exprima toute sa détermination à lutter contre le régime des mollahs qu’il traita de « tueur de l’art ».
L’exil
Après l’exécution de son ami, le dramaturge Sayid Soltenpour, Saedi quitta l’Iran et, via le Pakistan, gagna la France où il fonda l’Association des écrivains iraniens en exil, cofonda la Société de théâtre iranien et rétablit la revue Alefba.
Loin de ses racines et bien qu’il n’ait pas arrêté ses activités littéraires, il sombra dans la dépression et chercha l’oubli dans l’alcool. En 1985, atteint d’une cirrhose mais continuant à boire, il fut admis, le 2 novembre à l’hôpital Saint Antoine où il mourut 3 semaines plus tard.
Il est enterré au cimetière du Père Lachaise à proximité de la tombe d’un autre grand écrivain iranien, Sadeq Hedayat.