Le Livre des Rois, en persan Shâh Nâmeh, est un poème épique qui retrace l’histoire de l’Iran depuis la création du monde jusqu’à l’arrivée de l’Islam. Dans sa version la plus élaborée, œuvre de Ferdowsi, il se compose de 60 000 distiques de deux vers de onze pieds, chacun rimant entre eux et selon un rythme immuable alternant temps forts et temps faibles.

Naissance du livre

Le Shâh Nâmeh puise ses sources dans l’importante tradition mythologique iranienne. Il s’inspire de l’Avesta, des mythes scythes et parthes, des chroniques royales sassanides, de la littérature romanesque en pehlevi l’ancienne langue de la Perse, et des recueils de maximes et de conseils qu’il cite textuellement. Il fait aussi une large part aux innombrables récits de la tradition orale.

On connait un Shâh Nâmeh entrepris à la demande du gouverneur de Tus, Abu Mansour, par un collège de quatorze Zoroastriens qui s’inspiraient d’un livre plus ancien : le Khoday Nâmeh. D’un poème en persan de Massudi de Merv, composé au début du Xème siècle ne subsistent que trois distiques.

C’est en 975 que le poète Daqiqi entreprit la rédaction du Livre des Rois tel qu’il nous est parvenu. Malheureusement il fut assassiné par un esclave en 980. Désireux de poursuivre son œuvre, Ferdowsi réussit à se procurer le manuscrit du défunt grâce à un ami : « Il m’apporta donc ce livre et la tristesse de mon âme fut convertie en joie. »

Structure du livre

Dans une introduction, Ferdowsi explique, entre autres, pourquoi et comment il a écrit le texte.

Une première partie, relativement brève, traite de l’histoire des « civilisateurs », la création du monde, la dynastie des Pishdadian, « les premiers créés » qui enseignent aux hommes tous les arts. Zahhak l’esprit du Mal renverse la dynastie et instaure une dictature de mille ans renversée à son tour par le justicier Faridun. A sa mort, son royaume est partagé entre ses trois fils, mais les deux ainés assassinent leur cadet. C’est le début d’une longue guerre entre l’Iran et Touran.

La deuxième partie, la plus longue, est consacrée aux rois légendaires. Dans le récit central : la guerre contre le souverain du Touran Afrassiyab, sont développés, à côté d’histoires secondaires,  les cycles des grands héros, comme Roustan, Gudarz …

La troisième partie, consacrée à l’Histoire, fourmille de récits de batailles et d’anecdotes ponctuées souvent par une morale. On peut identifier plusieurs périodes qui correspondent à des moments historiques : les achéménides, le cycle d’Alexandre le Grand qui présente peu de points communs avec l’histoire réelle : Alexandre y est décrit comme un sage qui a notamment dépassé le bout du monde et conversé avec l’arbre waq-waq. La période des parthes arsacides est peu développée en raison probablement de la quasi-absence de sources.

A elle seule, la dynastie sassanide occupe un bon tiers de récit.

Place du Livre des Rois dans la culture persane

Le Shâh Nâmeh est sans doute l’œuvre littéraire la plus connue en Iran. La langue a peu vieilli. Lire ce livre, pour un Iranien correspond un peu à lire, en France, Montaigne dans le texte. De nos jours, encore, il constitue une base incontournable pour les récitants et les poètes.

Un auteur mal récompensé

Surnommé « le Recréateur de la langue persane », l’auteur connu sous le pseudonyme de Fedowsi (du persan pardis : paradis)  est né dans le village de Baji, à côté de la ville de Tus, vers 940, dans une famille de propriétaires terriens. Sa vie, à partir de ses vingt-cinq ans et durant quarante années fut consacrée à l’écriture du Shâh Nâmeh. A l’âge de 65 ans, il se rendit à Ghazna et se plaça sous la protection du sultan Mahmud Ghaznavi qui venait de renverser l’émirat samanide jusqu’alors au pouvoir en Iran. Celui-ci lui promit une pièce d’or par distique composé, mais le poème en comportant 60 000, le sultan n’accepta de payer qu’en pièces d’argent. Ferdowsi lança contre lui une vive satire est dut s’expatrier auprès du calife abbasside de Bagdad. . Bien plus tard, il regagna sa ville natale où il mourut vers 1020.  La légende raconte que le sultan regrettant son ingratitude avait finalement décidé que Ferdowsi serait payé au juste prix. Mais quand le convoi chargé d’or et d’argent arriva à Tus, il croisa le cortège funéraire du poète mort dans le plus total dénuement.

Le Shâh Nâmeh et l’art persan

Le texte du livre a donné lieu à d’innombrables représentations dans la peinture persane et sur des objets, notamment des céramiques. Le Shâh Nâmeh Demotte est l’un des manuscrits les plus connus et les plus étudiés des Arts de l’Islam. Riche de plus de 180 illustrations, l’ouvrage haut de 58cm fut dépecé au début du XXème siècle et ses pages dispersées dans différents musées occidentaux, dont le musée du Louvre qui en conserve trois.

Sous les Timourides, l’art de l’illustration des livres atteignit son apogée. Les dirigeants politiques se faisaient tous faire un Shâh Nâmeh. Toutes les écoles de peinture en produisirent.

Sous les Safavides fut réalisé l’un des plus beaux manuscrits persans connus aujourd’hui, conservé en plusieurs parties au Metropolitan Museum of Art de New-York, au musée d’art contemporain de Téhéran et dans des collections privées. C’est le plus grand Shâh Nâmeh jamais peint. Il comporte 759 folios dont 258 peintures et a nécessité le travail d’une douzaine d’artistes.

Une renommée qui dépasse les frontières de l’Iran

Le texte du livre fut rapidement traduit en arabe et en turc et beaucoup copié dans ces langues.

Au XVIème siècle, à la cour ottomane, un poète officiel était chargé de composer des œuvres dans le style du Shâh Nâmeh.

Le livre a été traduit depuis dans de nombreuses langues. Il existe une traduction française en sept volumes par J.Mohl e des extraits choisis par G.Lazard aux éditions Actes Sud, collection Sinbad.

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