Khodja Shams-eddine Muhammad, plus connu sous le pseudonyme de Hafiz (celui qui connait le Coran par cœur) est avec Saadi, Firdousi et Khayyâm un des quatre poètes unanimement reconnus en Iran.

Quand il naquit en Perse, à Chiraz, vers l’an 1320, Philippe IV le Bel était sur le trône de France ; quand il mourut en 1389, Charles VI n’avait pas encore sombré dans la folie. C’était un siècle avant François Villon : « Mais où sont les neiges d’antan ? » et quelques années avant la naissance de Charles d’Orléans : « Le temps a laissé son manteau / De vent de froidure et de pluie ».

Très peu d’informations crédibles sont disponibles sur la vie de Hafiz, hormis quelques détails autobiographiques que l’on peut découvrir dans son œuvre. Son père, marchand de charbon, aurait émigré d’Ispahan à Chiraz où il serait mort durant la petite enfance du poète, laissant sa famille dans le plus grand dénuement. Tout laisse pourtant penser que Hafiz reçut ou acquit par ses propres moyens une bonne éducation classique. Ses vers témoignent d’une bonne connaissance de l’arabe, des sciences islamiques et de la littérature persane. Il semble probable qu’il ait rencontré Attar, un intellectuel de Chiraz et qu’il soit devenu son disciple. Selon la tradition, après cette rencontre, Hafiz aurait travaillé dans une boulangerie et livré du pain dans un quartier riche de la ville où il aurait vu Chakh-e Nabat, une femme de grande beauté à qui certains de ses poèmes sont dédiés. On le retrouve plus tard à la cour d’Abou Ichak, un prince ami des poètes. Prodigue de louanges envers les notables admis à la cour, il célébra aussi Chiraz, ses promenades, ses cours d’eau, son charme…

En 1355, il tomba en disgrâce lorsque Moubariz Mouzaffar s’empara de la ville. Il s’imposa ensuite un exil volontaire quand des rivaux et des personnages religieux qu’il avait critiqués répandirent des rumeurs à son propos. Il reprit position à la cour à l’âge de cinquante-deux ans, sans doute  invité par Chah Chouja, le fils de Mouzaffar. Dans sa vieillesse, il a probablement rencontré Tamerlan afin de défendre sa poésie des accusations de blasphème.

Hafiz porta au plus haut niveau de perfection le ghazal, une des formes anciennes de la poésie iranienne consacrée aux confidences mystiques, à l’expression des joies et des souffrances de l’amour. Il chanta tous les thèmes communs à la poésie lyrique persane : le vin, l’amour, les plaisirs de la nature et le mystère qui gouverne le destin de l’homme. Selon certains biographes, Hafiz aurait lui-même rassemblé ses œuvres en 1368 dans un diwan. Pour d’autres, il s’agirait d’un recueil posthume. Selon les éditions, le nombre des poèmes du diwan de Hafiz varie de 571, dans la première parue en persan à Calcutta en 1791, à 994. L’œuvre fut traduite en anglais par William Jones en 1771. La première traduction en français date de 1799, trois ans avant la naissance de Victor Hugo.

Pas vraiment reconnu à son époque, Hafiz a fortement influencé les poètes persans et laissé sa marque sur d’importants poètes occidentaux, notamment Goethe auteur du West-Östlicher Divan (le diwan occidental) qui écrivit à son sujet :

« Je consens que le monde entier s’abîme !

Hafiz, c’est avec toi seul que je veux rivaliser.

Que plaisirs et peines nous soient communs,

A nous, frères jumeaux !

Aimer et boire comme toi sera mon orgueil, sera ma vie ;

Et maintenant, animé de ta propre flamme,

Résonne, ô chanson ! Car tu es plus nouvelle ».

De nos jours, les poèmes de Hafiz font partie intégrante de la culture iranienne. Ils sont fréquemment mis en musique et ont même été chantés par un groupe de rock appelé O-Hum. La popularité du poète est telle que chacun peut réciter ses vers et que son diwan reste utilisé comme aide à la divination populaire : après avoir invoqué l’âme du poète, les iraniens lui posent une question concernant leur avenir, puis ouvrent le livre au hasard. Le poème qu’ils y trouvent est censé y répondre.

Hafiz repose aux portes de Chiraz, au milieu d’un jardin persan, non loin d’un autre poète, Saadi. Son mausolée attire de nombreux visiteurs : pèlerins ou simples amoureux de la poésie, venus lui rendre hommage.

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